par Susie Ehrhardt
Les gens dans la vingtaine sont des as quand vient le temps de se fixer des objectifs de vie. Ils veulent avoir des enfants, faire une maîtrise, acheter une maison, et faire un gros salaire. L’objectif que je me suis fixé dans ma jeune vingtaine était simple : je voulais un chien. Mais je n’ai jamais trouvé le moment opportun. J’étais trop occupée à l’école, je vivais en appartement, j’avais plusieurs boulots, je sortais trop de soirs par semaine.
À vingt-cinq ans, quand ma santé a commencé à se détériorer et que j’ai quitté Toronto pour retourner au Nouveau-Brunswick, j’ai entrevu l’occasion de finalement réaliser cet objectif de vie. Mais avant même que je reprenne pied, ma vie telle que je la connaissais s’est envolée avec un diagnostic de cancer. Mon entraînement quotidien s’est transformé en déambulations autour de l’hôpital de Moncton. La symphonie des bips émis par les pompes à perfusion est devenue la trame sonore qui m’accompagnait. Tous les yeux qui se posaient sur moi étaient noyés de larmes qui risquaient de jaillir à tout moment. Les voix changeaient de ton et se taisaient d’un seul coup de l’autre côté de ma porte.
Après deux mois de chimiothérapie, je me suis retrouvée dans la section des animaux de compagnie de Kijiji. Je ne me souviens pas ce qui m’a menée là, mais j’ai tôt fait de trouver la photo d’Épagneuls Cavalier King Charles à vendre par quelqu’un qui souhaitait se départir des siens. J’ai appelé le propriétaire des chiens, puis ma mère, et deux heures plus tard, nous étions en route vers notre maison avec l’amour de ma vie.
Buster Bartholomew Ehrhardt m’a sauvée d’un plus grand nombre de façons que je pourrais en énumérer. Je ne peux passer sous silence la panique qui s’est emparée de mon oncologue qui voyait d’un mauvais œil cette adoption pour des raisons sanitaires. Mais la semaine où je suis allée chercher Buster, ma sœur Sara a affirmé avoir enfin aperçu de nouveau des fragments de la personne joyeuse que j’étais avant. Ma famille m’a beaucoup aidée à prendre soin de mon chien de 15 livres, âgé de 10 mois. Ils l’ont promené les jours de chimio, l’ont soigné lorsqu’il a souffert d’un virus à l’estomac, et ont nettoyé ses pattes avant de le laisser monter dans mon lit. Je lui ai vite appris à ne pas lécher mon visage, puis l’ai entraîné à rester étendu avec moi jusqu’à midi.
Buster a fait entrer dans la maison une énergie qui faisait plus que défaut durant cette période. Après des mois à m’être préoccupée exclusivement de ma propre santé, le fait de me concentrer sur les soins d’une autre créature s’avérait un véritable soulagement. Les jours où je ne voulais que rester évachée dans mon lit à visionner des vidéos bêtes sur YouTube, Buster parvenait à me faire sortir en me regardant fixement avec des yeux semblant m’implorer : « une marche? ».
Mais plus que tout, Buster ne m’a jamais jugée. Il est la seule créature à m’avoir vue sans une perruque ou un chapeau quand je n’avais plus de cheveux. Il se réveillait chaque matin, remuant de la queue, heureux de se lover contre moi, au lieu de me demander pour la énième fois : « Comment te sens-tu aujourd’hui? ». Il ne m’a jamais regardée avec des yeux larmoyants, et aimait simplement l’être humain qui se cachait derrière le cancer.
À présent, Buster est âgé de deux ans et demi. Il a grandi et dort plus longtemps que moi. Nous marchons toujours ensemble presque tous les soirs, même quand je suis fatiguée après une longue journée de travail. Et il se réveille toujours chaque matin en remuant de la queue, heureux de se lover contre moi. Cancer ou pas, ce chien m’aimera et me traitera toujours de la même manière; voilà bien une thérapie que je n’ai jamais obtenue ailleurs.