Il y aura bientôt trois semaines que j’aurai terminé le traitement, et tout est tranquille aux premières lignes du cancer.
par Robin Harry
Il y aura bientôt trois semaines que j’aurai terminé le traitement, et tout est tranquille aux premières lignes du cancer. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu de mauvaises surprises, des douleurs ou des symptômes, et les effets secondaires de la radiothérapie se sont presque tous dissipés. Tous, excepté la ligne de bronzage due aux radiations. Je me suis rendu compte qu’elle est plus marquée encore dans mon dos qu’elle ne l’est sur ma poitrine; il y a un gros carré noir au centre de mon dos! Demain, j’entame un programme d’exercice à Wellspring, afin de m’aider à retrouver ma forme, et dans l’espoir de perdre quelques-uns des kilos et des centimètres que j’ai gagnés un peu partout. Si seulement je pouvais conserver ces centimètres en quelques zones bien choisies…
Je rédige ce billet avec l’intention de comprendre la série d’incidents que j’appelle « le phénomène des bonnes intentions ». Il s’agit d’événements et de conversations, nés de contacts forcés, et qui commencent par « je voulais vraiment ». J’ai entendu ce bout de phrase souvent ces derniers temps. Vraiment souvent. « Je voulais vraiment t’appeler. » « Je voulais vraiment te rendre visite ». « Je pense souvent à toi. » « Je prie pour toi. » « Je voulais vraiment le faire, mais je ne voulais pas te déranger. »
Je m’estime chanceuse qu’on me dise tous ces mots; je les aime tendrement et je sais que tous ceux qui les prononcent ne veulent que mon bien. Je devrais me sentir mieux à l’idée que tous pensent à moi, non? En effet. <soupir>
En vérité, ça ne me fait pas sentir mieux du tout. Ça me fait mal, parfois. C’est même parfois pire que d’avoir perdu le contact. J’explique ceci par le fait que les raisons qui se cachent derrière la non-exécution de ses intentions ne sont pas clairement définies, et que ça me donne l’impression de quelque chose de réfléchi seulement après-coup, comme une pensée qui effleure l’esprit, mais qui n’est pas assez importante pour faire agir. De plus, les pensées sont bien, mais elles n’habitent pas les heures et les heures de silence et d’isolation. J’avais vraiment besoin d’attention. De l’attention n’est pas tout à fait ce dont j’avais besoin. <soupir> J’aurais vraiment dû adopter un chat…
Quelqu’un m’a déjà demandé : « Eh bien, pourquoi ne les appelles-tu pas? » Voilà une question sensée, pourquoi s’imposer à soi-même une quarantaine sociale quand on peut appeler ceux qui négligent de le faire? En fait, c’est tout simplement que je ne connais pas leurs raisons. Je ne peux parler au nom de tous ceux et celles qui souffrent d’une maladie chronique, mais c’est mon point de vue. Il est difficile de comprendre ce qui pousse certains à disparaître; j’essaie d’éliminer la malice. Je suis consciente que le cancer peut être ou paraître lourd et effrayant. Certaines personnes ne peuvent le supporter et certains ont leurs propres soucis à endurer. La dernière chose que je souhaite serait d’imposer mes soucis à quelqu’un qui ne veut pas en entendre parler. Un ami m’a clairement dit qu’il ne pouvait pas m’aider dans tout ça. C’est correct; c’est douloureux, mais au moins, c’est clair. Mais c’est la raison pour laquelle je me méfie. De façon réaliste, comment se déroulerait cette conversation téléphonique? « Allo! quoi de neuf? Ça fait des mois… – Moi? Je vais bien, j’ai encore le cancer, mais tu sais, c’est la vie… »
Je m’inquiète du fait que ce billet ait une consonance très égocentrique, mais je devais mettre mes pensées par écrit. Il contribuera peut-être à faire comprendre à quelqu’un ce qui se passe dans la tête d’une personne atteinte du cancer. La conclusion qui s’impose est celle-ci : les intentions sont bien, mais les actions sont mieux. Il n’est jamais trop tard pour traduire de bonnes intentions en bonnes actions.