« Comment vas-tu? » Une question si simple qu’on lance à tout vent, jour après jour. On croise un collègue dans le corridor et on lui demande « comment ça va? ».
par Robin Harry
« Comment vas-tu? » Une question si simple qu’on lance à tout vent, jour après jour. On croise un collègue dans le corridor et on lui demande « comment ça va? ». On tombe sur une connaissance dans la rue, ou une personne qu’on n’a pas vue depuis longtemps, et la question revient immanquablement. C’est parfois notre façon de se saluer. Je ne sais pas pour les autres personnes atteintes de cancer, mais moi, c’est une question que je suis venue à détester.
Le problème avec cette question, c’est qu’elle demande à la fois tout et rien. Elle n’est pas assez précise pour réellement permettre de s’enquérir du vrai problème, et elle implique une suite. La question, en fait, est plutôt « Comment ça va, comment ça se passe avec le cancer? ». Ce qui m’ennuie, c’est qu’il est terriblement évident que la plupart du temps (pas toujours, mais très souvent), les gens ne sont pas préparés à une réponse honnête à cette question.
Depuis que j’ai le cancer, on me demande comment je vais environ quatre ou cinq fois par jour : en personne, par courriel, par texto, par téléphone. Et il y a des variantes! Il y a le « comment ça vaaaaaaaa?! », avec l’accent sur le « va », une tentative maladroite d’exprimer empathie et sincérité. Puis, il y a le « ça va? » accompagné d’une inclinaison de la tête… Ouf! Celui-là… Il y a aussi la question qui est motivée non pas par le souci, mais par la curiosité : « alors, c’est comment le cancer? ». Il y a les gens qui demandent, en supposant que je suis à moitié morte, et qui semblent presque déçus quand je dis que je vais bien, comme si je leur cachais mes émotions. Ceux qui appellent simplement pour se rassurer EUX sur mon état, et pas du tout pour moi. Oh! et ma question préférée, celle qui est suivie d’un quelconque mot d’affection : « Comment vas-tu, ma belle/ma chérie? ». Comme si, parce que j’ai une tumeur dans le thorax, mon nom ne suffit plus à m’identifier. Et ils se demandent pourquoi je ne réponds pas.
Ceci étant dit, ce n’est pas généralisé; certaines personnes ont plus de tact, ce que j’apprécie beaucoup. Je sais que tous ont de bonnes intentions, alors je leur en suis tout de même reconnaissante. Mais parfois, lorsque mal formulée, la question n’est pour moi qu’un rappel de ma maladie. De plus, si quelqu’un n’est pas prêt à entendre la réalité telle qu’elle est, il ne devrait simplement pas poser la question, parce que ça m’oblige alors à les prendre par la main et à émettre une platitude comme « Je vais bien; il y a de bons jours et de mauvais jours ». Il arrive que quand on me pose la question, je n’ai qu’une envie, c’est de lancer la vérité à la face de mon interlocuteur.
Ça vaaaaaa, ma belle Robin? (inclinaison de la tête)
« En fait, je suis toujours au bout du rouleau, mais je n’arrive pas à dormir. Je n’ai pas eu une vraie nuit de sommeil depuis deux mois, je sens que mes yeux et mes oreilles vont s’enflammer spontanément toutes les quinze minutes. J’ai toujours faim, mais mon estomac refuse tout ce que je lui donne, et j’ai l’impression de ne rien avoir mangé de bon depuis juillet. Je n’ai à peu près aucune sensation dans mon index, j’ai sacrément froid à la tête, tout mon corps est endolori, j’en ai marre d’être malade, etc. »
Ce que j’essaie de dire, c’est que je n’ai aucun problème avec le fait qu’on me demande si je vais bien. Mais premièrement, je préfère de loin quand les gens sont précis, qu’ils demandent comment s’est passée la chimio, ou quels sont les effets secondaires, ou simplement comment je me sens à ce moment précis. Deuxièmement, la raison pour laquelle les gens me le demandent est importante. Troisièmement, je n’aime pas qu’on ait des attentes lorsqu’on me le demande, ou quoi que ce soit d’autre que de la sincérité.
Quelques pistes de réflexion (en anglais seulement) :
Losing My Hair
How Friends Manage
Look Good, Feel Better
My Visit to a Support Group
