J’ai déjà parlé plusieurs fois combien la période de rémission n’est pas aussi facile qu’elle n’y paraît, et combien elle est parfois tout aussi déroutante que la période de traitement.

par Robin Harry

J’ai déjà parlé plusieurs fois combien la période de rémission n’est pas aussi facile qu’elle n’y paraît, et combien elle est parfois tout aussi déroutante que la période de traitement. J’ai récemment blogué sur invitation pour le Club Défi Cancer (j’en ai parlé précédemment), et je suis ravie d’avoir eu l’occasion de le faire. Je m’adressais à un auditoire avec lequel je ne suis pas familiarisée, et qui lui, ne me connaît pas non plus. Je me sentais plutôt libérée. Voici le billet de blogue que j’ai soumis :

« Félicitations, vous êtes en rémission! Allez-y, vivez votre vie! »

Ce sont là des mots que tout jeune adulte atteint du cancer a très hâte d’entendre une fois les traitements terminés, que ce soit à la suite de la chimiothérapie, des radiations ou de la chirurgie. Nous souhaitons tous croire que le plus dur est derrière nous, que notre corps est en voie de guérison. Voilà qu’à 29 ans, je suis en rémission depuis deux mois d’un lymphome non hodgkinien, et je suis extrêmement infiniment reconnaissante d’être en vie. Ceci étant dit, je m’attendais à ce que la rémission soit une période inquiétante et épuisante physiquement en ce qui concerne les récurrences futures, les effets secondaires des traitements, etc. J’ai par contre été étonnée de constater que de manière différente, la rémission est tout aussi déroutante et épuisante émotivement que les traitements. Je nage actuellement en pleine crise existentielle déclenchée par la rémission.

Tout le monde présume que ma vie a changé, et ils n’ont pas complètement tort. Mon point de vue a changé, et j’ai gagné de la confiance en moi. J’arbore une nouvelle coupe garçonne. J’ai foi plus que jamais en Dieu. J’accepte enfin la « nerd » amatrice de superhéros qui se cache en moi. Je m’aperçois toutefois que tous ces changements me touchent, mais ne touchent pas forcément les gens ou les choses qui m’entourent. Je suis celle qui a changé; la vie, elle est la même. Mais la vie ne devrait-elle pas être différente? N’est-ce pas là l’idée? Après avoir fait face à la mort, la vie ne change-t-elle pas à jamais?

Durant les traitements, mon unique objectif était de survivre, et de le faire dans la foi, la grâce et la dignité. Durant la rémission, toutefois, l’objectif est de vivre. En ce moment, je ne sais pas trop comment m’y prendre. Le pourquoi, le quand, le qui, le quoi et le comment de la vie se sont soudainement trouvés amplifiés quand on m’a annoncé que j’ai en rémission, et n’ai plus de réponses. Ce serait normalement un problème; je crois fermement au fait que « tout vient à point à qui sait attendre ». L’ennui est que je suis réticente à sortir de la zone de confort dans laquelle je me trouvais avant le cancer, hésitante à prendre des risques pour le simple plaisir. Pourtant, je suis pétrifiée à l’idée que si je ne le fais pas, la vie sera exactement la même qu’elle a été, rendant l’épreuve du cancer complètement futile et dénuée de sens.

Ce sentiment m’isole. Premièrement, la plupart des gens ne le comprennent pas. La possibilité que je ressente quoi que ce soit d’autre que de la gratitude pure et simple apparaît étrange à quiconque n’a pas vécu ce que j’ai vécu. « Tu es en rémission : tu dois être au septième ciel!! » Deuxièmement, même s’ils sympathisaient jusqu’ici, c’est là où le bât blesse. Je ne peux exiger qu’on m’aide à faire la lumière sur toute la situation. « Mon amie, ma vie a pris un nouveau souffle et j’accepte la « nerd » qui sommeille en moi. Allons au Comiccon! » Ouain… La vérité est que je vis ceci seule.

Aussi prodigieuse que soit la rémission, et bien qu’elle soit indéniablement plus facile à vivre que les traitements, elle comporte ses défis. Après une épreuve comme le cancer, le retour à la vie requiert d’abord que je détermine ce que je veux faire de la mienne. Je conclurai peut-être que les changements qui se sont opérés en mon for intérieur sont suffisants. Je déciderai aussi peut-être de prendre des risques. Ce parcours est très intimidant et personnel. Au bout du compte, toutefois, je me sens privilégiée d’avoir la chance de le suivre.

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