Aujourd’hui est une journée mémorable, du moins pour moi. Il y a dix ans, jour pour jour, je recevais un diagnostic de lymphome non hodgkinien; je n’avais que 31 ans.
par Alyssa Burkus Rolf
Aujourd’hui est une journée mémorable, du moins pour moi. Il y a dix ans, jour pour jour, je recevais un diagnostic de lymphome non hodgkinien; je n’avais que 31 ans. Je me souviens encore de mon état de choc et d’incrédulité en entendant ces paroles : « Vous avez un cancer ». La vie était belle : j’étais jeune et nouvellement mariée, j’étais en forme, je faisais régulièrement de l’exercice. Comment était-ce possible? Il a fallu quatre mois aux médecins pour s’entendre sur mon type de lymphome. J’ai alors appris que mon espérance de vie était de huit à dix ans. Mon médecin semblait heureux de m’annoncer un si long délai, mais pour moi, il s’agissait d’une condamnation à mort. Bien que la science ne peut prédire avec précision l’espérance de vie d’un patient atteint de cancer ou d’une maladie chronique, dans mon esprit, le temps qui me restait à vivre avait été fixé. Dans dix ans, je ne serais plus de ce monde. Malgré ces prévisions, j’étais déterminée à faire de mon mieux pour mener une vie de personne en bonne santé.
Les premières années de ma maladie ont été consacrées à me façonner une nouvelle identité — celle d’une patiente atteinte d’un cancer. En un instant, mon existence s’est divisée en deux catégories : avant et après. Ma vie antérieure me semblait remplie d’innocence, de légèreté et d’insouciance. Et pourtant je me souviens d’avoir éprouvé les nombreux hauts et bas que vivent la plupart des adolescents et jeunes adultes. Les problèmes auxquels j’accordais tant d’importance comme « est-ce que ce vêtement me grossit? » m’apparaissaient absurdes. D’autres questions me préoccupaient : « Peut-on savoir que je suis chauve lorsque je porte ce chapeau? » « Pourrons-nous un jour avoir des enfants? » ou « Si on s’était trompé et qu’il me restait moins de temps à vivre? ».
J’ai également réalisé qu’il était très facile de glisser dans la peau de la patiente démunie atteinte de cancer, de jouer la carte du « C » pour obtenir tout ce que je voulais. D’une part, je désirais parler ouvertement de mon expérience du cancer et des défis auxquels j’étais confrontée; d’autre part, il n’était pas question de devenir un être unidimensionnel. Je voulais parler de ma vie avec le lymphome tout en menant une vie relativement normale. La forme de lymphome dont je souffrais était chronique et incurable, mais il ne fallait pas que les gens se lassent de mon drame permanent. Il n’est pas facile de jongler avec ces nuances, et je n’y parviens pas toujours.
J’ai cru durant des années que je m’étais adaptée de façon exceptionnelle, car j’ai une personnalité de type A. Je n’allais surtout pas laisser la maladie s’emparer du meilleur de moi-même. Mais une nuit, j’ai fait un rêve surprenant où j’apprenais qu’on avait fait une erreur, et que je n’avais pas le cancer. Je ressens encore cette sensation de libération, comme si on m’avait enlevé un poids énorme – un fardeau dont je n’avais pas pris conscience, puisque je croyais m’être si bien « adaptée ». J’ai alors compris l’immense pression qu’exerçait la maladie sur mon âme.
J’ai maintenant vécu un quart de mon existence avec le lymphome, et la vie avant ma maladie m’apparaît bien lointaine. J’ai du mal à croire qu’il fut un temps où je n’avais pas le cancer. Au tout début de ma maladie, j’avais confié à quelqu’un que la présence du cancer dans ma vie était si constante, et nos conversations à ce sujet, si fréquentes, qu’elle était presque devenue une personne de plus dans notre mariage. Nous étions maintenant trois — avec un invité encombrant qui, ne sachant pas qu’il trouble la fête, ne quitte pas la maison de son hôte.
Depuis des mois, j’appréhendais ce 10e anniversaire de peur que ce soit le début de la fin et que je dépasse ma « date d’expiration » — comme un produit périmé. J’avais l’impression que j’allais manquer de temps et qu’un piège se refermerait soudainement sur moi. Je suis le genre de personne qui peut sauter à la dernière page d’un livre pour s’assurer que le personnage principal respire encore à la fin. Dans mon cas, le plus difficile, c’est d’ignorer le déroulement de ma propre histoire.
J’ai enfin compris qu’aujourd’hui était le jour de ma libération. Fini les limites, les délais, les dates d’expiration! Je suis libre de fixer mes propres échéanciers pour vivre de nouvelles aventures, de nouveaux plaisirs et affronter les incertitudes des jours à venir. Je suis encore étonnée d’avoir réussi à effectuer un revirement aussi complet. Mais maintenant, je peux aller de l’avant avec un sentiment d’espoir renouvelé. Cela me fait penser au verre d’eau que certains voient à moitié vide, et d’autres, à moitié plein. Vous ne pouvez pas faire semblant de croire qu’il est à moitié plein, et le fait que d’autres y croient ne suffit pas. Par ailleurs, une petite pensée germe parfois dans votre esprit et elle se répand lentement pour se transformer en un sentiment profond. Une fois que vous y croyez réellement, vous la rangez dans votre cœur et vous tenez bon.
C’est aujourd’hui la fête — une journée où j’ai l’impression d’avoir gagné le gros lot. Si je peux déjouer les pronostics, une journée à la fois, imaginez toutes les possibilités qui s’ouvrent à moi. Plus personne ne peut me dire combien de temps il me reste à vivre. Petit à petit, je recommence à me sentir en bonne santé. Sachant que les risques de récidive de la maladie sont élevés, je dois tirer parti de ce temps précieux, mais je ne vis plus comme si le temps pressait. Je me sens l’âme… plus légère. En fait, cette période de temps que nous appelons la vie est précieuse pour nous tous, et peut-être que mon expérience aidera certaines personnes à ne jamais l’oublier.
Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, je me propose de consacrer un certain temps à écrire le récit de toutes ces années vécues avec un lymphome. Ce sera ma façon de partager certaines expériences, de parler de mes défis et des leçons que j’ai retenues. J’aimerais que, durant ce temps, vous preniez le temps de me lire et de m’envoyer vos commentaires. J’espère que mon histoire sera utile aux patients atteints d’un lymphome et à leur réseau de soutien durant cette épreuve. C’est en écoutant les récits de personnes qui réussissent à bien vivre malgré leur maladie que j’ai trouvé force et réconfort. À tous ceux qui ont la chance de vivre à l’extérieur de cet environnement absurde dominé par le cancer, j’espère que mes écrits vous inciteront à trouver la joie durant les moments difficiles et à écarter ce qui a peu d’importance. Que l’on soit ou non en santé, il faut vivre sa vie, une vie remplie d’espoir, de rêves et d’amour.
Êtes-vous parvenu à vivre votre vie malgré la maladie? Racontez-nous votre histoire – vous qui avez récemment reçu un diagnostic de lymphome, vous qui célébrez une étape importante de votre vie, vous qui aidez l’un de vos proches à traverser un moment difficile. « Vivre sa vie » est-elle une expression qui signifie autre chose pour vous? Faites-nous part de vos réflexions et intégrez votre histoire à la nôtre.
À votre santé!
Alyssa